Vivre dans les attentes de ses parents

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Kannamma

5/22/20214 min read

Vivre chez les tamouls, c’est vivre dans un ensemble d'accords « tacites » tout au long de sa vie.

C’est vivre avec des attentes non verbalisées, qui ne le seront jamais, à moins qu’un incident vienne déclencher la parole. Alors à ce moment-là, la parole qui nommera les attentes sera loin d’être calme mais chargée émotionnellement et violente.

Avant notre naissance,les attentes sont déjà présentes dans les cœurs des parents et proches.

Si c’est une fille, elle sera une bonne fille et bonne à marier selon les critères de l’environnement.

Si c’est un homme, il saura faire le nécessaire pour s’occuper de son foyer et ramener l’argent.

On est en 2021, mais il existe encore des familles qui attendent tout cela de leurs enfants. La mienne en fait partie.

Depuis l’âge de 3 ans je fais face à ses attentes. En maternelle, il était inconcevable que je joue trop avec les garçons.

En primaire et au collège c’était le début d’une surveillance active de mes parents sur mes allées et venues.

Mais jamais ils ne m’ont interdit verbalement que je ne pouvais pas jouer avec les garçons. Je l’avais compris.

Ma mère a été victime de violences conjugales pendant de nombreuses années, il était impossible d’appeler les secours ou d’en parler aux services sociaux. Il était attendu de nous qu’on ne fasse jamais appel aux parties extérieures, y compris la famille.

Ils ne l’ont jamais interdit verbalement, c’était attendu de nous.

Ma vie sexuelle ? Bridée pendant de nombreuses années, je pensais que la sexualité était synonyme d’un mal et ne pouvait m’être autorisée. Nous n’avions aucune éducation sexuelle, mais nous savions que c’était une interdiction.

Nous avions également compris qu’on ne pourrait pas choisir notre partenaire.

Il nous est encore interdit d’assumer pleinement nos choix.

Je trouve ironiquement cette parentalité paradoxale. J’ai l’impression que mes parents m’ont toujours interdit tout ce qui pouvait être du ressort de mon choix.

Avec toutes ces attentes qui se stockent dans le cœur de ma mère, la communication est saturée et forcément violente lorsqu’elle est provoquée.

Durant le dernier incident ma mère m’a rappelée à quel point elle se sentait seule, sans personne sans soutien. Elle m’a reprochée comme à son habitude, que je ne l’avais pas défendue et protégée lorsqu’elle était en train de subir les coups et autres violences de son mari. J’avais entre 3 et 18 ans.

Mais vous vous souvenez d’un peu plus haut,c’était la même mère qui ne voulait pas qu’on appelle les secours.

J’ai récemment compris que vivre pour les attentes des parents m’ancrait dans un mode de vie où je ne questionne plus l’ordre qui s’impose à moi. Je suis un robot et je performe, ce qu’on attend de moi.

Quand je suis avec elle, je ne suis plus en mesure de m’exprimer pleinement, je refoule toutes mes émotions. Je ne raconte rien à ma mère,ni mes douleurs ni mes plaisirs.

Vivre dans les attentes crée un sentiment de supériorité, que « personne peut venir nous ébranler »

Ma mère a développé un complexe du moi moi moi. Elle n’est plus en capacité d’éprouver de l’empathie et de la compassion pour autrui. Car tout tourne autour d’elle et ses rêves et attentes. Quand je lui parle de mon plaisir et mon bonheur, elle me rétorque : “Et les miens t’y as pensé ?”

Nul besoin d’aller très loin pour comprendre les raisons sur le plan psychologique. Ma mère a perdu sa mère très tôt, elle s’est retrouvée vite responsable de plusieurs missions pour lesquelles elle n’a pas ressenti de reconnaissance de la part de ses siblings.

Enfance volée, ma mère est une enfant dans un corps d’adulte. Ses attentes étant enfant, ont grossi et ont évolué en intégrant des attentes culturelles et traditionalistes.

Je ne comprends toujours pas bien comment son propre bonheur de choisir un partenaire pour ses enfants passe avant celui de ses enfants.

Quid de la qualité de la vie passée sur terre?

Étant hindoue, j’observe des paradoxes entre la religion et les traditions que ma mère ne semble pas voir.

Car elle-même, vit dans les attentes que ses parents lui ont laissé ainsi que toute la société dans laquelle elle a grandi.

J’ai beau être forte aux yeux des autres, mais à côté de ma mère je me sens impuissante et redevable. Je ne sens plus mon corps, je l’oublie pendant une phase et je me reconnecte à lui plusieurs heures plus tard, la nuit souvent.

La toxicité des parents n’est pas négligeable surtout dans nos foyers où prendre soin de nos aînés et être à leurs merci sont des signes de respect ultime.

On vous fera croire que l’amour est ainsi,qu’il est toxique. Dur de s’en dépêtrer, mais nécessaire.

J’aime beaucoup l’idée de passer par les sensations physiques et d’exercer des pressions avec des parties du corps pour revenir sur terre. Ressentir ses pieds, ses mains aide à se reconnecter et sortir de ce type de sidération.

A nous de trouver les mécaniques qui nous conviennent pour garder notre sanité.

Parce que personne ne le fera pour vous.