Je suis française d’origine sri lankaise. Plus jeune, je voulais aller vivre en Inde et commencer une grande carrière d’actrice.

15 années plus tard, lorsque je raconte cette histoire à mon entourage, je termine toujours par : « mon père m’a fait la morale pendant 2h dans la cuisine puis j’ai abandonné mon projet ».

Mais, je n’ai jamais évoqué le contenu de cette discussion, après laquelle, j’en suis ressortie découragée.

Avant toute chose, il est important de rappeler le parcours de la femme tamoule parfaite.

La jeune tamoule de 18 ans.

« Tu dois te marier avant tes 25 ans »

« Tu dois être physiquement parfaite »

« Tu dois faire de bonnes études »

Elle est dans ses études mais on commence déjà à lui chercher un mari. Pourquoi ? Pour éviter qu’elle tombe amoureuse ? Doit-elle se marier avant que son image soit salie ? Doit-elle se marier avant la cousine ? Elle doit se marier, c’est tout.

Attention ! A elle d’être parfaite pour le futur mari.

Date de péremption : 25 ans. Si elle n’est pas mariée à cet âge, elle déshonore ses parents et devient un fardeau.

La tamoule parfaite de 23 ans termine ses études : avocate, ingénieure ou médecin (sous peine de décevoir nos chers parents). Elle n’a jamais eu de petit copain et a dit oui au mariage arrangé avec le fils avocat du meilleur ami du voisin de l’oncle de sa grand-mère.

Ah oui ! Elle doit être assez grande, ni trop maigre – ni trop grosse, claire de peau et discrète.

Anecdote : A 24 ans, après avoir fini mes études, je commençais mon nouveau travail et étais célibataire. Mon oncle m’avait trouvé un prétendant au Canada.

Un beau jour, j’ai surpris une conversation entre ma maman et une dame ,la maman du prétendant.

« Bonjour, je suis la maman de X. Je voulais me renseigner sur votre fille.

Est-elle assez blanche ? Est-elle assez mince ? Est-elle assez grande ? Pourrait-elle quitter son travail pour venir vivre au Canada ? »

Par pure curiosité, j’ai regardé la photo du garçon. C’est bien ce que je pensais : les qualités recherchées par la dame étaient en contradiction avec celles de son fils.

La jeune femme tamoule de 23 ans.

« Tu n’as pas le droit à l’écart »

« Tu dois t’habiller de manière décente »

« Tu ne dois pas te faire remarquer »

A 18 ans, elle peut procréer. Elle doit donc faire très attention : au moindre faux pas, elle se fera humilier. Elle ne doit pas sortir trop tard et ne doit pas s’habiller de manière provocante : n’attirons pas le loup qui dort.

Si elle a le malheur de se faire agresser, on espèrera qu’elle n’avait pas porté, ce soir-là, la fameuse robe rouge qui la met en valeur. Parce que si c’est le cas, on dira que c’est sa faute : « Elle lui a souri ? Elle l’a regardé ? Et en plus de ça, elle avait mis cette robe ? Mais c’est NORMAL alors ! Qu’elle aille se cacher. Elle fait honte ! »

La jeune de 18 ans doit s’habiller de manière décente, doit aller à l’école, travailler, rentrer, manger, dormir et rien d’autre.

La fille tamoule de 9 ans.

« Tu ne dois pas répondre à l’adulte ».

« Tu ne dois pas parler aux garçons ».

« Tu ne dois pas découcher chez la cousine pour une soirée pyjama ».

La petite fille de 9 ans doit être plutôt discrète et éviter de se faire trop d’amis. Elle doit aller à l’école, travailler, rentrer, manger -obligatoirement 3x par jour sinon elle va maigrir- et dormir.

Anecdote : c’est 10 ans plus tard que j’ai réalisé que l’inceste et l’oncle pédophile existent.

Je valide, petite fille, ne découche pas.

« Tu dois être une maman. »

A ce stade, elle devrait être mariée à l’avocat et doit être à sa 2ème grossesse.

Elle doit être fertile parce qu’une femme, c’est fait pour ça.

Elle ne veut pas d’enfants ? « Elle en aura quand même. »

Elle a d’autres projets de vie comme monter une entreprise ? « Laissons ce genre de rêves aux hommes. »

Toujours pas d’enfants ? « Mais qu’est-ce qu’elle attend ? »

Certains couples font face à des problèmes d’infertilité et ont plus de difficultés à procréer : respectons leur intimité.

La femme tamoule parfaite de 30ans : avocate, médecin ou ingénieure et mère de 2 beaux enfants clairs de peau.

La femme tamoule de 30ans.

La femme tamoule de 50ans.

« Tu dois rester à la maison et élever tes enfants »

« Tu dois savoir cuisiner »

« Tu dois gérer vie professionnelle et personnelle »

Normalement, si elle a respecté les règles, ses enfants ont aujourd’hui la vingtaine. Si jamais, ils font la moindre erreur dans leur choix de vie…maman sera critiquée. Belle-maman, grands-parents, oncle, tante, voisins, vont dire qu’elle, femme et maman de 50 ans, a mal élevé ses enfants.

Elle n’a pas le droit aux soirées entre filles et doit savoir cuisiner les plats du monde.

En rentrant à la maison après une journée de travail exténuante, elle doit assurer en tant que mère avec les devoirs, le repas, la petite histoire avant de dormir. Elle doit également assurer en tant que femme de ménage et enfin, en tant que femme tout court avec son mari « trop fatigué de sa journée ».

Et ça recommence. Elle vit la même situation que sa maman, 40 ans auparavant…

La femme tamoule parfaite de 50 ans : je n’ai pas de mot pour définir la femme extraordinaire qu’elle est devenue. Cependant, elle a tout mon respect.

Et dans tout ça, l’homme, que devient-il ?

Oh ! Lui hein… c’est le chouchou de maman qui a la vie de rêve. Le nombre de copines qu’il veut, une épouse vierge pour ses 30 ans et le petit déjeuner servi au lit tous les matins. Et tout ça, qu’il ait 10 ans ou 50 ans : THE KING.

C’est bien beau tout ça. Mais qu’est-ce que ton père t’a dit dans la cuisine ??

« Tu veux aller vivre seule en Inde ? Sans tes parents pour te protéger ? Tu veux vivre seule, sans homme pour aider à subvenir à tes besoins ? Tu veux qu’on dise que tu as eu une relation avec tel et tel acteur ? Tu veux qu’on t’insulte de prostituée ? »

Non je rigole ! En vrai, il y a 15 ans, mon amour de père m’a juste dit « si tu vas en Inde, tu seras à 7 000km de nous. »

Ah oui, en effet… j’annule mon projet !

C’était – la Brave tamoule – fière d’être tamoule mais surtout fière d’être Brave.

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