Couple mixte, mais pas trop.

RACISMECOUPLE MIXTEPARENTS MIXTESLGBTQIA+HARCÈLEMENTRACISME ANTI SUD ASIATIQUE

Sophian

3/1/20213 min read

Photo : Shashi Kapoor, acteur indien, Bollywood.

Être Brown et grandir avec un parent qui ne l’est pas/ne comprend pas votre identité.


Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours considéré le fait d’être “brown” (un terme que j’ai connu cette année, pareil pour “desi”) comme quelque chose de sale, de faible, de nul. En tout cas une partie sombre de moi-même qui se retranscrit physiquement en assombrissant mon teint.

Ma mère est Marocaine et mon père est Pakistanais. De leur union sont nés ma grande sœur et moi. Ma grande sœur, elle, a grandi avec mon père jusqu’à ses 10 ans à peu près, moi je l’ai à peine connu.

En tout cas pas en tant que père. Tout ce que je savais de lui c’est ce que ma mère m’avait répété sans cesse toute mon enfance : qu’il est violent, malhonnête, mauvais et que tout cela serait intrinsèque à son identité de pakistanais.

Et que ma sœur et moi on avait hérité en partie de ça.

En partie du côté blanc de notre mère -qui a un white passing à tout casser- et qui serait donc notre côté civilisé qu’on tient d’elle.

Et en partie un côté sombre qu’elle nous pointe du doigt dès qu’on ne lui plaît pas.

Elle avait l’habitude de nous appeler “pakistanyin khanzin” -pakistanais sales, dégoûtants- quand on avait fait une bêtise ou qu’on l’avait énervé. Ou encore, elle me disait de ne pas laisser mes cheveux pousser parce que ça me ferait ressembler à un acteur Bollywood, à Shahrukh Khan ou à Shashi Kapoor ou encore pire à mon père. Il fallait que je ressemble à un arabe, pas à un pakistanais. Comme s' il ne fallait pas que ça se voit.

Je me suis donc mis à détester tout ce qui faisait ce que je suis et ce qui reflétait mes racines physiquement : mes cheveux, mes poils, ma couleur de peau etc

De plus, je me suis toujours fait harceler. En gros j’ai constamment eu l’impression de vivre sur un champ de bataille mais non armé, où tout le monde est contre moi et où il n’y a même pas de tranchée pour reprendre son souffle ou se couvrir.

Grandir avec pour seul parent une personne avec un white passing et hétéro quand on est brown - ou en tout cas avec d’autres origines, moins valorisées dans la société - et LGBTQ+ par dessus tout ça, c’est avoir un risque de grandir dans un cadre familial qui ne vous comprend pas, qui ne sait pas vous guider dans un monde où vous avez déjà du mal à faire votre place. C’est aussi se sentir en sécurité nulle part, angoisser le soir au moment de rentrer à la maison, là où tout le monde sait ce que vous êtes et qui pourtant vous met si mal dans votre peau.

Partout dans le monde et plus particulièrement en France, il y a une image partagée, commune à quasi tous les français.e.s, des personnes browns. Et même pour tout ce qui est lié au sous continent indien. C’est sale, c’est bête, les indiens sont fous, pakistanais indien sri lankais tous pareil, comme l’image du sauvageon à exploiter qui a été largement diffusé par l’Occident, U.K. et FR dans le cas présent. Et cette image persiste et continue de faire du mal à beaucoup de gens.

J’ai conscience de ne pas être le seul à vivre cette situation.

Vivre dans un pays qui ne nous reconnaît pas en tant que citoyen mais en tant qu’étranger à cause de ses racines. Ça doit un peu être pareil. Et c’est pour ça que la communauté est importante. Pour pouvoir avoir une attache et surtout un cercle où on se comprend et s’entraide entre nous.

Et j’aurais aimé avoir la chance d’avoir cette richesse.